LES PAVILLONS CASTORS

Un dédale de rues larges et désertes. Des rangées de maisons identiques, flanquées de garages. Les pavillons Castors constituent un échantillon représentatif des paysages périurbains. 

Ce lotissement pose des questions d'interventions différentes des pavillons d'ingénieurs. S'ils ne sont pas soumis à des contraintes patrimoniales, ils soulèvent des problématiques économiques car souvent occupés par des populations plus modestes. Il sera question d'exploiter les opportunités qu'offrent ces pavillons sans pour autant remettre en cause leurs qualités propres, liées à une certaine idée du confort.

En un sens, l'ambition de ce projet n'est pas de re-nover (rendre neuf) mais de revaloriser un modèle décrié mais pourtant propagé massivement.

A première vue, les pavillons Castors semblent enclavés par la Seine au Sud et à l'Est, par la voie ferrée au Nord et l'ancienne usine à l'Ouest. Cette situation présente toutefois bien des atouts. La proximité avec le centre d'éco-construction permet d'établir une collaboration étroite dans la rénovation du quartier. L'eurovéloroute bordant le lotissement propose une circulation douce alternative et rend accessible la zone naturelle des Basses-Godernes le long du fleuve.

Ecocentre

Lotissement castors

Eurovélo-route

La mise en lumière de l'histoire des « Castors » dévoile une certaine identité insoupçonnée de ces pavillons. 

Après guerre, l'usine Schneider connaît une période de prospérité qui s'accompagne d'une phase d'extension de ses structures à Champagne-sur-Seine. Prenant le relais des service de l'usine, l'office HLM mène une politique de construction de logement de grand envergure pour les nouveaux effectifs d'ouvriers. Opération d'autoconstruction en accession à la propriété, les pavillons Castors viennent compléter ce dispositif. Deux coopératives sont ainsi crées, celle du Vieux-Clos (pavillons à quatre pans de toit) en 1953 et celle des Près l'Aubépine (pavillons à deux pans) en 1958. L'usine y voit un moyen de fidéliser ses employés, avançant les coûts de l'opération en échange d'une présence de 15ans et d'un remboursement du prêt sur 25 ans. Les coopérateurs bénéficient également d'aide financière et de crédit accordé par le plan Courant de 1953 (1.).

A cette même époque, d'autres opérations « castors » voient le jour en France sur le même modèle. Elles sont coordonnées par l'Union Nationale des Castors qui mutualise les savoirs, les ouvriers n'étant pas qualifiés. Bien que réalisés par les futurs propriétaires, les constructions sont donc standardisées sur l'ensemble du territoire suivant des modes constructifs simples pour permettre une plus grande autonomie des constructeurs : blocs de béton fabriqués in situ, appareillage de briques creuses, plancher en béton hourdi et fermes en bois en toiture.

A l'époque, ces opérations constituaient de véritables utopies solidaires. Elles proposaient un niveau de confort élevé et un titre de propriété à bas coût. Les témoignages parlent aussi d'une véritable solidarité de quartier qui débute avec le chantier commun.

1. PIERROT (Nicolas), Champagne-sur-Seine, Et l'usine créa la ville..., Somogy éditions d'art, Paris, 2011

LES ENJEUX D'UNE INTERVENTION

Soutenue par une politique de rénovation énergétique du parc bâti, l’isolation thermique  est désormais le premier poste de dépenses de travaux d'aménagement des ménages. Le Grenelle de l'environnement de 2007, puis la loi du 17 aout 2015 de Ségolène Royal tiennent le secteur du bâtiment comme un responsable majeur de la consommation énergétique en France, avec pour objectif de rénover 500 000 logements par an. Pour cela, l'Etat aménage des crédits d’impôts et des aides financières pour les ménages non-imposables afin de les encourager à initier de tels travaux. 

Les résultats de cette politique est visible sur le lotissement Castor où les pavillons se voient enrobés un par un de 22 cm de polystyrène.

En effet, la loi du 17 aout 2015 prévoit que tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kWh/m².an soient l'objet d’une rénovation énergétique avant 2025. Or les pavillons Castors se situent au dessus de cette limite. Il n'est pas pour autant question de se contenter d'isoler de manière systématique et standardisée les pavillons, au risque de répéter, voire d'appauvrir, l'uniformisation du paysage urbain. Il ne s'agit pas non plus de se fixer pour seul objectif d'atteindre un nombre fixé arbitrairement. L'isolation thermique ne sera que plus pertinente si elle prend en compte un réseau complexe de facteurs comprenant le cycle des matériaux, l'usage et l'espace. La rénovation énergétique n'est donc ici qu'une entrée aux nombreuses problématiques des pavillons Castors. La population âgée isolée issue des premières ou deuxièmes générations de propriétaires, l'espace public non-qualifié et ses des surlargeurs inappropriées, les jardins privés peu aménagés sont autant de motifs d'interventions, bien que non assujettis à des normes. Il est donc question d'aborder la rénovation énérgétique au travers d'une vision globale, adaptée, vertueuse et valorisante.

LA COOPERATIVE DES CASTORS II

Rénovation alternative avec mise en accessibilité

Stratégie minimale d'isolation

Rénovation alternative en paille

Isolation thermique standard

Alternative pour les grands pavillons

Organisation du chantier


 
La rénovation énergétique n'est donc qu'un prétexte pour revaloriser l'ensemble du lotissement des Castors. A l'image des « Castors » qui bâtirent ces pavillons, une nouvelle coopérative, les Castors II , permettraient de donner un second souffle à ce quartier résidentiel. Sous la forme juridique d'une SCIC (Société Coopératives d'Interêt Collectif), les Castors II associeraient les habitants à l'éco-centre, aux artisans locaux et à la mairie de Champagne-sur-Seine dans un programme de travaux échelonné sur plusieurs années. En plus de l'économie d'échelle, un tel système permet une mutualisation des savoirs, une plus grande pertinence des interventions et une sensibilisation plus directe des habitants. 
 
Les Castors II prévoient des travaux de rénovations intérieures et extérieures, d'aménagement de l'espace public et infra-structuraux. Les solutions proposées ont pour ambition d'être économiques, environnementales, locales, légères et adaptées à chaque situation.

Une isolation thermique standard

L'isolation thermique extérieure en polystyrène est le système le plus largement utilisé car économique. Pourtant, elle est paradoxale dans son utilisation de matériaux à fortes énergies grises, non-renouvelables et non-recyclables et dégradables à des fins écologiques. D'autre part, la surépaisseur ajoutée entraîne une perte conséquente de l'éclairage naturel intérieur. Mais c'est avant tout la pauvreté de sa mise en en œuvre qu'il s'agit de remettre en question. L'isolation en polystyrène vient simplement enrober le bâtiment, et superposer une façade à l'aspect identique, voire feindre des éléments de modénatures. Elle ignore les problématiques  liées à l 'édifice et les opportunités que de tels travaux procurent.

Organisation du chantier

Les chantiers Castor II s’effectuent en phases successives, où les surlargeurs de l'espace public viennent être occupées à tours de rôle par les caravanes du chantier. Au préalable de leur installation, une tranchée est ouverte pour enterrer les réseaux, opérations nécessaires à l'heure où la fibre optique gagne l'ensemble de la région Ile-de-France. Cette tranchée est ensuite transformée en noue paysagère bordée avec les surlargeurs d'un talus pour protéger l'espace piéton situé de l'autre côté. Les caravanes de chantier ont pour objectif d'organiser l'ensemble du chantier. Plus spécifiquement, elles assurent les missions de sensibilisation des habitants à la nécessité d'une rénovation pertinente, d'élaboration des stratégies appropriées pour chaque situation et d'accompagnement de l'auto-construction. Elles abritent également un atelier de réemploi afin de concevoir les aménagements des surlargeurs à partir des déchets recyclés après le départ des caravanes.

Stratégie minimale d'isolation

Ce dispositif s'adresse aux particuliers dont l'investissement dans un système d'isolation complet n'est pas envisageable, pour des raisons économiques ou liées à la situation du particulier. Elle consiste à isoler à très bas coût le logement tout en permettant à l'occupant de rester pendant la durée des travaux. Du fait de son efficacité limitée, elle ne constitue pas une solution suffisante sur le long terme.

Rénovation alternative

Il s'agit ici de proposer un système d'isolation par l'extérieur en matériaux locaux tirant parti des opportunités qu'offrent le pavillon. Du fait de l'épaisseur importante requise par une isolation en paille et du besoin de protéger ce même matériau des infiltrations d'eau, les débords nécessaires à ce type d'isolation sont prolongés de manière à créer une terrasse et un auvent au rôle multiple : prolongation du séjour, circulation extérieure, abri pour outils, bois, vélos ou poussettes, etc. L'allège des fenêtres est abaissée afin d'augmenter la quantité de lumière naturelle. Un percement est également effectué au sur la façade sud aveugle permettant d'ouvrir le logement sur le jardin tout en optimisant les gains d'énergies solaires.

Rénovation alternative avec mise en accessibilité

Cette stratégie s'adresse aux générations des premiers propriétaires, attachées financièrement et sentimentalement aux pavillons castors. Elle a pour objectif de rendre accessible une partie des logements afin que l'occupant puisse y demeurer en finançant les travaux de rénovation par la mise en vente ou en location d'une partie du pavillon. Les travaux s'effectuent donc en deux phases afin de permettre à l'occupant de rester pendant la durée de l'opération. Il est question ici de démontrer que le volume du pavillon suffit à créer deux espaces de vies singulier dans une maison au dimension contrainte, sans créer d'extension coûteuse. Le pavillon est également mis en relation avec son environnement, par l'ouverture sur le jardin et la rue et le remplacement de l'entrée par une baie au sud.

Alternative pour les grands pavillons

Le plus grand volume de ces pavillons laisse une plus grande marge d'intervention à l'intérieur de l'édifice. Ainsi, une isolation par l'intérieur peut être mise en œuvre. Du fait de l'occupation de l'ensemble du volume, la consommation énergétique reste faible malgré ce système d'isolation moins efficace. Un espace tampon non-chauffé est créé au sud sur toute la hauteur du pavillon, permettant une nouvelle lecture de l'espace.